Autobiographie

ACJF

Quand j'arrivai, tout timide, au 14 de la rue d'Assas, je ne me doutais pas, je vous assure qu'un jour j'appartiendrais à ce Comité Général auquel vous venez de m'élire. Au moment de vous remercier pour le grand honneur il m'amuse de jeter un regard en arrière. Il m'amuse... mais il m'inquiète aussi. Je mesure mieux la tâche qu'aujourd'hui, j'accepte, une lourde tâche, une très lourde tâche. Non pas que rien doive être changé dans mes activités, ce que je faisais hier, je le ferai demain, tout demeure semblable en apparence. Mais dans le fond des choses tout est bouleversé. Jusqu'ici je venais librement, je n'engageais jamais que moi. Désormais je suis mandaté par vous, je suis responsable de la confiance que vous avez mise en moi. Pour toute une part de moi-même, l'expression est banale mais elle est juste, je ne m'appartiens plus, je suis à l'association. Et si jamais vous avez pensé ce qu'est et ce que sera notre ACJF, vous comprendrez mon inquiétude.

En entrant au Comité Général, j'accepte une lourde charge, mais j'y trouverai, - je le sais d'expérience – d'abondantes consolations. Par ce vote tous nos liens sont resserrés, c'est notre amitié qui se noue, - car dans l'ACJF ce que l'on trouve avant tout c'est une amitié. Si je devais définir notre association je dirais qu'elle est une amitié, et ne croyez pas que ce vocable la diminue – Il l'exalte. N'oublions pas que l'amitié est la forme la plus parfaite de la charité...

 L'amitié, c'est le grand secret des apôtres, par elle ils ont vaincu le monde.

C'étaient de pauvres hères, ils avaient quitté leur famille, leur patrie, leur métier, quelques bicots sur les routes de l'Empire... et le monde est bouleversé. Leur prédication renverse une civilisation, en bâtit une autre, fait germer partout de idées que l'homme n'avait jamais soupçonnées... Où les apôtres ont-ils trouvé la force d'une révolution si brusque et si profonde ? Dans une amitié. Comme ils s'aiment s'écrient les païens à leur vue...

Puisque dans le nouveau Programme nous devons être de nouveaux apôtres faisons en nos modèles et apprenons à nous aimer. C'est un témoignage d'amour que l'ACJF se doit d'apporter. Quel témoignage, si nous pensons que l'amitié qu'on nous propose ne s'arrête pas à nous, que derrière chacun de nous c'est le Christ que nous devons aimer. En lui cet acte d'amitié qu'il nous est si doux d'accomplir devient aussi le plus fécond et le plus méritoire. On est confondu de la bonté de Dieu. Sachons simplement nous aimer et notre ferveur sera si intense qu'elle débordera, qu'elle fertilisera tout autour de nous.

Et que nous demande-t-on, pour entrer dans cette amitié ? D'être chrétien... On ne nous demande ni effusion ni sacrifices extraordinaires – au contraire – c'est tout simple d'être chrétien. Il suffit de faire chaque jour ce que l'on doit faire, d'accepter chaque matin ce que l'on doit accepter. Ne pas trop ratiociner – nous n'ajouterons jamais une coudée à notre taille. Oublier le passé quelqu'il soit – il est stérile d'y penser. Ne pas vivre dans l'avenir, il engendre la rêverie. Accomplir loyalement et simplement son devoir quotidien – en un mot faire la volonté du Bon Dieu (et c'est là le secret de toutes choses).

Ainsi, grâce à vous, mes amis, me voici plus près de vous, plus profondément dans l'ACJF de tout mon cœur je vous remercie, et moi-même pour vous, pour nous je ferai ce vœu – que nous croissions tous ensemble dans l'amitié de notre Christ.