Cantique pour Saint-François
Vers 1928
O Saint François – je vous ai vu
dans chaque instant de nos campagnes.
Je vous ai vu ces matins où la création vient de naître
l'air brille comme liquide, tout luit.
O Saint François je vous ai vu...
Il n'est plus de printemps sans vous, ni d'automne sans votre jour
Vous êtes ce bourgeon poisseux qui tout à coup crève l'écorce
et s'épanouit en feuillage.
Je sais, quand la faux crisse dans le foin
que tout juin clame votre joie,
l'odeur un peu miellée des meules,
c'est vous encore.
Dans l'air crépitant de cigales
chaque feuille est une étincelle
l'herbe flamboie de diamants imperceptibles...
Et vers le soir la grande averse bruissante,
avec des flaques d'eau qui claquent
n'est-ce pas vous, le visage piqué de pluie
quand vous sentiez sous vos pieds se gonfler la terre pour la sève ?
Et puis si simple Saint François
tout naturel
un peu maboule je le veux bien,
mais d'une si douce folie
simple et friable comme la terre d'Assise
où ne pousse rien que les fleurs
Simple
Comme ce cyprès tout seul
au plus haut sommet des collines
plus dépouillé, plus sec que le cyprès
mais comme lui droit dans le ciel.
Je vous dit qu'il est fou, mais qu'il est fou à lier
Gueulait son père
Certes il est fou, quelle folie
Avoir voulu la joie intense d'être un pauvre !
Ah ! Ne me jetez plus vos richesses
ne décuplez pas cette chair qui m'opprime...
Plus rien...
Je suis libre, je suis ouvert à toute vie, à toute joie
Je suis pauvre.
Pauvre ?
Un corps que plus rien ne tire en bas.
Eh ! Quoi, je serais resté, moi aussi, un manteau vide entre les mains
Avec de l'or, comme un blasphème entre les mains
de l'or
fausse hostie pour représenter toutes choses
…......................
Communion du diable
Et je serais B... le marchand
qui vend son drap et peut-être son âme avec
Moi, je suis fou ? Au tintement de l'or
j'ai préféré le cri du geai.