Miserere

Vers 1929

 

Seigneur c'est contre Toi que j'ai pêché, j'ai forniqué,

J'ai prostitué ton ouvrage,

et mon péché est devant moi comme une muraille de sang.

J'ai péché... C'est moi qui ai égorgé Tes petits,

moi j'ai donné ton corps aux bêtes.

J'ai péché – tout le péché du monde je l'ai sur moi,

Comme une chasuble de plomb,

Je tiens à tout péché par mes fautes, j'ai bu à tout le péché du monde

J'y suis livré, lié, complice.

J'ai pu faire le bien et je ne l'ai pas fait.

J'ai péché... J'ai communié à tout les crimes par mes fautes,

J'ai bu à même leur calice.

J'appartiens au péché, à tout péché.

J'ai versé le sang, puisque mes mains en sont teintes.

Tout les flots ont passé sur moi

Et voici toute la mer sans exorcisme et sans histoire

Toute la mer,

La mer épaisse brassant la nuit avec ses vagues,

La mer muette.

 

Et le péché comme une paix

« Voici que je n'espère plus, m'a dit Satan, voici que je n'espère plus,

Et ma douleur est immobile comme leur joie.

Je suis mon propre envoûtement, ma plénitude, je vis de moi, je vis par moi,

Ma solitude vaut Sa paix.

Apprends le tiède enlisement, la démission, le désespoir comme un sommeil

Pourquoi lutter quand on peut tomber au silence ?

Viens... tu connaîtras l'irréparable, l'accompli, la paix, le vide absolu

Dans ma haine, comme dans Son amour. »

 

Seigneur, plus que l'océan du péché est grande Ta Miséricorde.

Plus fort que ses houles et son ressac le déferlement de Ton Amour.

Et voici que je me tiens devant toi pour la purification,

Comme la mer roulant encore des lambeaux d'ombre face au soleil qui jaillit.

Revêts-moi de ta grâce, et que je sois comme la mer encore pleine d'un grouillement avec la nuit mal contenue, mais que déjà le soleil oblique l'inonde...

 

Me voici, Seigneur, et simplement parce que Tu es, parce que Tu vis le péché en moi s'est résorbé...

Parce que tu es, Seigneur ! Et que toutes choses se sont faites Lumière sous Toi,

Parce que tu es, Seigneur, et que Ta Miséricorde est sur moi

Comme le levant sur la mer.

 

Mon Dieu, je Vous bénis de ce que Vous m'avez apporté la paix,

Vous êtes venu parmi nous avec ce don comme une grande hostie qu'on partage,

Tels les messagers de Channan avec les grappes inépuisables déjà, comme une prophétie,

Et il s'est fait en moi ce grand silence de la mer sous Ta main.

Il s'est fait en moi comme cette immobilité de la mer au soleil levant

toute obscurité contenue, toute ombre résorbée, et le soleil est déjà haut qui tout dévore...

La Paix, c'est que nous Vous avons connu, et que Vous ayant connu nous vous avons possédé,

La Paix c'est le Calice entre les mains, c'est votre Corps entre les dents.

La Paix, c'est Votre Vie en nous, et cette communion perpétuelle

De l'âme, à même l’Âme de son Dieu.

 

La paix c'est que Vous Vous êtes fait à nous, et que nous voici devenus Vous-même

Voici que nous Vous prolongeons et que nous sommes Votre action en Vous comme Vous dans le Père

Et l'esprit même nous étreint, de Vous à nous, de l'un à l'autre, rejailli

 

Seigneur, Vous Vous êtes fait mangeable au corps, puisable à l'âme. Il n'est plus rien de Vous qui ne nous appartienne, et nous voici le Fils même de Votre Père,

comme vous nés de la Femme en cette grande Annonciation du Sang,

Quand sur Elle vous penchâtes un Ange rouge rivé aux ailes de Sa Croix,

comme Vous, nés de la Femme en la grande Nativité du Feu,

Quand souffle et mugit la Pentecôte.

 

Et voici Seigneur que Vous êtes complètement à nous.

 

Vous êtes à nous, et je ne me lasserai pas de le dire,

Vous êtes à nous jusqu'à ce pain que je puis briser, jusqu'à cette chair que j'ai pu trouer

Et nous pouvons bien Vous aimer, puisque nous avons pu Vous clouer.

 

Il peut bien boire à votre vie, qui a pu vous verser la mort.

 

Vous êtes à nous.

 

Pourquoi le tronc, si ce n'est pour les branches ?

 

Pourquoi le cep, si ce n'est pour la grappe ?

Vous Vous êtes fait notre possession la plus intime, la chair même de notre chair

Vous êtes à nous -

Non pas à nous comme la branche au vent, ou l'algue à la mer,

Mais à nous comme le feu est à la flamme, comme la mer est à la vague, comme la voix est à la parole -

 

A nous -

 

Et notre faute est bien heureuse qui nous vaut un tel Rédempteur.