II

« Là ce sera la chambre, là le salon, on sortira par ici... » Je saisi ma pelle et écartai un peu de sable. « Voici l'allée d'entrée, il me faudrait des arbres de chaque côté »... Je me redressai pour casser de menues branches.

C'est bon le soleil. Autrefois je jouais à me faire pleurer. Je me cachais sous la table pour chanter des chansons tristes et me saouler de désespoir. C'est vrai, mais ce n'était pas aussi doux que ce matin.

« Nicole, Nicole ». J'appelai ma cousine qu'elle participe à ce bonheur. Le ciel avait noyé le paysage, les arbres se perdaient dans l'azur, on devinait les collines disparues à des taches de lumière au-dessus de l'horizon... je restai les doigts disjoints, en une telle extase, qu'il me semblait parfois mourir... L'air dense m'étreignait de toute part, m'unissait à l'ivresse du feuillage... Nicole... appelai-je encore... elle approcha, sa peau brune accentua l'azur des prés, et tout à coup, Oh ! comment dire, comment comprendre... Il me semblait qu'elle était la beauté du paysage, sa grâce condensait la beauté éparse alentour. Je tenais les mains, pensant que ma cousine dans me bras, je retiendrais l'ineffable de ces instants... Ah ! N'était-ce pas cela l'idéal.

« Tiens, voilà ce que j'en fais de ton jardin ».

Comment,  - d'un coup de pied Nicole avait tout détruit... L'extase s'anéantit, je ne vis plus l'horizon bleu, il ne restait qu'une méchante petite fille que je voulais battre, et dans mon cœur une grosse envie de pleurer...

Je m'assis au coin d'un banc... Tout a disparu, pensai-je...

- Qu'as-tu mon chéri. Pourquoi pleure-tu ?

- Maman, c'est Nicole qui a défait mon jardin.

- Le grand malheur, tu n'as qu'à en recommencer depuis le temps que tu pleures tu en aurais fait un autre, tiens, prends mon mouchoir et essuie-toi les yeux : tu es tout barbouillé...

- Oui, mais mon jardin, mon jardin ! - Comment faire comprendre à maman que ce n'était pas seulement mon jardin, que c'était ce bonheur, cette ivresse... L'Idéal que Nicole avait détruit d'un coup de pied...