L'Inde sera-t-elle une grande puissance ?

III L'Inde sera-t-elle une grande puissance ?

L'Inde sera-t-elle une grande puissance ? Pour celui qui ne vient pas ici en archéologue, telle est la question essentielle. Tout l'équilibre asiatique dépend de la réponse qu'on peut y donner, en particulier le sort de la barrière anti-communiste qu'après l'effondrement de la Chine nationaliste les Occidentaux s'efforcent de dresser dans le Sud-Est asiatique.

Cette question beaucoup ne se la pose même pas, en présence de ce pays vaste comme un continent et peuplé de trois cent cinquante millions d'habitants.

Pourtant, rappelons-nous les conditions d'une grande puissance à notre époque. 1° La force économique ; 2° Des possibilités d'expansion interne ; 3° Une bonne gestion politique ; 4° Une clientèle d’États satellites.

Les États satellites nous savons que l'Inde cherche à s'en créer. Attirer le Sud-Est asiatique et même l'Afrique dans l'orbite indienne est la pensée de ce M. Menon qui paraît être le maître de la politique étrangère à Dehli. Reste à savoir s'il réussira dans un dessein qui suppose une abdication de notre part, à quoi nous ne sommes pas résolus.

Impotence économique et politique

Bien plus importante encore la force économique. Or cette force, l'Inde ne l'a pas, et elle ne peut pas l'acquérir. Elle ne l'a pas : qu'il suffise de citer son industrie sidérurgique qui n'est que le huitième de la nôtre pour une population huit fois plus nombreuse. Surtout, elle ne peut pas l'acquérir. Sauf découvertes nouvelles, ce continent est un des plus pauvres en richesses minéralogiques. Du minerai de fer, de bonne qualité mais en quantité réduite, dans le sud. Du manganèse dans le nord, mais sans les alliages qui le rendent exploitables industriellement. C'est à peu près tout. Certes l'industrie textile est solide : ce n'est là qu'une industrie économiquement secondaire. En outre, depuis que le Pakistan s'en est détaché, l'Inde ne dispose plus de ces matières premières.

Tout cela, je le savais. En parcourant les Indes, je découvre une autre facteur de faiblesse : un détestable rendement.

Voici quelques jours, je visitais une usine en construction. Dans un grouillement d'ouvriers et d'ouvrières, il me semblait qu'on organisait la perte d'effort. Je ne m'étonne plus que dans les entreprises indiennes le poste main-d’œuvre soit de 35% plus élevé qu'en Europe, et le poste de matière première de 40 à 60%. « L'Inde, cette grande impotente politique », écrivait naguère le P. Waht. Nous serions tentés d'ajouter : une grande impotente économique.

Le potentiel économique de l'Inde est encore diminué par deux autres facteurs. L'Inde ne possède pas de bons ports et sa côte rectiligne ne se prête pas à en établir. Seul Bombay dispose d'une rade, mais Bombay n'est pas sur une grande route maritime. D'autre part, l'Indien ne sait pas assez qu'un commerçant ne doit pas seulement être habile, mais tenir parole. Et puis l'Indien aime trop les projets, les études, et pas assez les réalisations concrètes. Il rêve d'une grande industrie plus qu'il ne travaille à l'édifier.

La surpopulation et la misère enlèvent à l'Inde ces possibilités d'organisations internes qui font des États-Unis et de l'URSS les vraies grandes puissances de notre temps. Tout ceci n'est rien à côté de l'incapacité politique de l'Union Indienne. Nous voici dans le royaume de l'impéritie et de la concussion. N'y revenons pas. Nous avons déjà évoqué ces deux plaies.

L'Inde sera-t-elle une grande puissance ?... Ne comptons même pas en tout cas sur « le dieu dollar » pour opérer un miracle. Une fois encore s'impose l'exemple de la Chine nationaliste. Comme dans ce pays les dollars se dilueront dans l'Inde. Ils se disperseront dans les deux gouffres de la misère et de la malhonnêteté publique.