L'Islam peut-il résister au Communisme

Pénétration soviétique

Ne commettons-nous pas une erreur voisine quand nous comptons sur l'Islam pour enrayer l'extension du communisme ?

A dessein, je ne parle pas de l'Inde : ce géant tout entier d'argile un jour ou un autre peut sombrer dans le communisme tandis que ses masses abêties de misère continueront d'enduire de beurre les membres des dieux. L'Angleterre, en quittant l'Inde, a laissé un trou béant au sud de l'Asie. Mais l'Islam, religion monothéiste, née de la Bible ; l'Islam à nous fraternel des ismaélites enfants d'Abraham et de la servante ; l'Islam qui honore Marie, qui la sait vierge et qui reconnaît la dilection de Dieu pour elle avant même le début du temps ; l'Islam pour qui Jésus est un prophète, en un mot l'Islam, lui, au moins, n'est-il pas au communisme une barrière infranchissable ?

Importante est la réponse, quand tout le Moyen-Orient « flirte » avec l'URSS. Depuis le 26 septembre 1955, l'Union Soviétique ou l'un des ses satellites signe à peu près chaque semaine un nouveau pacte avec un État de la Ligue Arabe. Par ses fournitures d'armes à l’Égypte, la Russie a assuré l'hégémonie de ce pays, mais en même temps elle a « subordonné cette hégémonie à la présence de techniciens soviétiques et tchèques ». Comme l'a écrit Bilans hebdomadaires, « on assiste, en fait, à un établissement russe sur les arrières du front pétrolier du Moyen-Orient pris désormais en tenaille entre le Nord et le Sud ». Ce système a été porté à la perfection le 10 janvier 1956, quand l'URSS a envoyé une ambassade pléthorique dans cette Libye dont elle avait revendiqué la tutelle lors de la dévolution des colonies italiennes.

M. Kroutchtchev ne critique pas tout dans la politique de Staline. Lui aussi sait être un continuateur de Pierre le Grand. Dépassant le Moyen-Orient, tout en le prenant à revers, la Russie installe son influence en un point de grande valeur stratégique. Elle s'établit sur une plaque tournante à la fois vers l'Afrique Noire (où par mille moyens elle travaille le Cameroun, se mettant à même de la couper en deux) et à la fois vers le Maghreb affaibli de la crise algérienne et de deux nouvelles et fragiles indépendances. La marche vers la mer vraiment libre continue, même si la mer vraiment libre n'est plus une Méditerranée déclassée, mais l'Atlantique. Pays aux frontières indéfinies, l'URSS continue de se condamner elle-même à l'expansion.

La politique russe a donc pénétré, franchi même parfois, les principaux États musulmans. Elle y multiplie des techniciens qui sont des catéchistes de sa doctrine. Elle ne parle, sans doute, que d'exalter les nationalismes. N'est-ce point qu'elle se sait leur héritière, et d'autant plus que déjà la colonisation grand-russienne s'étend sur trente et une nations allogènes ? Oui, la question que nous posons est importante pour l'Occident, mais surtout pour l'avenir de toute liberté spirituelle dans le monde : l'islam peut-il résister au communisme, ou bien, comme un fruit mûr, tombera-t-il dans la main déjà tendue de M. Kroutchtchev ?