Sous le signe de l'Islam, le Moyen-Orient trouvera-t-il son unité ?

Les contradictions du nationalisme

Ainsi s'explique que depuis douze siècles le monde musulman aspire à l'unité sans jamais y parvenir.  Aux obstacles classiques notre époque en ajoute un nouveau : l'éclosion des nationalismes. Au moment même où le nationalisme expirait en Europe, il ressuscitait en terre d'Islam, plus virulent et plus incohérent peut-être qu'ailleurs. Chaque État musulman, né pourtant des hasards de la politique, aspire à devenir une Nation. Aussi tend-il à l'intérieur à persécuter ses minorités même musulmanes (ainsi les minorités Kurdes), et à s'opposer aux pays étrangers, même musulmans également. Double démarche singulièrement contraire aux principes de l'Islam. Ne soyons pas surpris que le Président de la Ligue musulmane, M. Chaudhury Khalih Uz Zaman, ait nettement indiqué cette opposition entre l’État national et l'unité islamique : « Si les Musulmans se mettaient à reconnaître comme États islamiques des États musulmans tels que Pakistan, Égypte, Arabie saoudite, Irak, Iran, Turquie ou Afghanistan, ils introduiraient dans la politique musulmane un principe de division et empêcheraient les progrès ultérieurs vers l'unification »5. Malheureusement, M. Chaudury Khalih ne peut pas ignorer  que cette reconnaissance est effective, au moins parmi les dirigeants de ces États. A tel point que les fusionnismes quels qu'ils soient, ne trouvent jamais appui, ou à peu près jamais, que dans les oppositions. A peine les dirigeants des oppositions arrivent-ils à leur tour au pouvoir, qu'ils se rétractent automatiquement sur le nationalisme. Nulle part le jeu de ces réflexes n'a été si clair ni si constant qu'en Syrie.


5 Cité par Pierre Rondot, Loi révélée et théocratie dans l’État oriental d'aujourd'hui, L'Afrique et l'Asie, 3è trimestre 1950