Je voudrais être né juif

Sans date

 

Israël chassé, pourchassé ! Ah ! En ce temps de l'Avent que je voudrais être né juif ou, tout au moins, que du sang juif coulât dans mes veines ! Je sais que, tenant ce propos, j'ai surpris (peut-être heurté) des amis, même chrétiens. Comment pourtant ne pas envier ces convertis qui joignent à la fraternité spirituelle du Christ une parenté charnelle ? Quand j'en rencontre, quelque chose en moi a toujours envie de s'agenouiller.

Enferrés dans je ne sais quel monophysisme inconscient, ignorons-nous donc que Jésus ne fut pas la parure humaine indifférenciée d'une nature divine, mais vraiment un homme, c'est-à-dire un certain homme d'une certaine nation, avec tout de cette nation hormis le péché ? Comment ne pas envier ceux qui Lui ressemblent, à Lui qui fut juif, et plus juif que tous les Juifs, puisqu'Il a donné sa signification à Son peuple ? Comment donc ne pas voir le peuple juif à travers l'intention de Dieu sur lui ?

Comment aussi ne pas écouter ce qu'aujourd'hui encore ce peuple nous dit de la part de Dieu ? Car sa vocation d'attente et de prophétie subsiste : les dons de Dieu sont sans repentance. Il attend et il espère. Il est l'espérance faite nation et faite race. Mais cette attente n'avons-nous pas à la partager ? L'histoire du Monde ne s'est pas achevée au Vendredi-Saint. Elle commence vraiment à Pâques et de sa plurimillénaire attente le peuple juif nous rappelle que depuis lors nous attendons aussi. Ce peuple prophète prophétise encore et son espérance (clamée plusieurs fois par jour dans le Kaddish, cette prière qui exprime l'exigence presque fébrile d'une venue) apparaît, depuis l'Ascension, prophétie du Retour que nous attendons nous , même si notre génération, contrairement à l'impatience des premiers chrétiens, semble parfois se désintéresser de la seconde venue du Christ. Chaque année, à la fête des Tabernacles, en des invocations multipliées où se répète en leitmotiv la demande de l'eau, ce peuple appelle avec Moïse notre baptême. Au Yom Kippour, priant pour le « Peuple de Dieu », en fait il annonce d'une annonce inlassable notre Église. Il nous redit la sollicitude de Dieu à nous la préparer à travers lui. Cela, l'oublierons-nous aussi ?

Sémites nous sommes, de notre esprit et de notre foi. Je jalouse ceux qui le sont aussi dans leur chair. J'aimerais appartenir à ce peuple, notre frère aîné, qui le premier sur la terre a tutoyé Dieu comme on tutoie un Toi qu'on connaît, ce peuple que « Dieu a revêtu de sa bonté » et qui, en ce jour de la Parousie qu'il appelle sans le savoir, identifiera enfin Celui qu'il a toujours attendu.