Pondichéry, terre française

Répugnance au référendum

Cette procédure du référendum présente d'ailleurs un inconvénient. Elle est profondément impopulaire. Au cours de notre séjour, nous avons entendu émettre bien des opinions contradictoires : presque tous nos interlocuteurs ont condamné le système du référendum. Il contrarie par sa netteté le tempérament indien. Comme me le disait un des ministres des Comptoirs – le plus influent paraît-il : « Nous autres, nous n'aimons pas une procédure où on doit répondre par oui ou par non. Nous pensons que dans le non entre toujours beaucoup de oui et dans le oui beaucoup de non ». Comme je me rappelle cette conversation ! Nous étions déjà assis sur ma terrasse. Des colliers de jasmin qu'on m'avait offerts lors d'une récente visite et que j'avais posés sur ma table embaumaient. Dans l'ombre j'apercevais des formes humaines allant et venant : les gardes du corps que mon hôte entretenait comme font là-bas tous les hommes politiques. Dans le sub continent indien, quelle que soir la souveraineté, les régions ont tendance à tourner à la dictature, mais à une dictature tempérée par l'assassinat. En écoutant cet homme, à la fois très européen et très indien, je comprenais combien est imparfaite la procédure prévue. Ici tout est trop subtil pour s'enfermer dans une formule de vote : certes mieux vaudrait un compromis. Volontiers, dans les Comptoirs, on s'en remet au temps pour fournir ce compromis : on s'installe dans une instabilité qui a ses profits. Elle permet certains commerces fructueux ; elle assure une indépendance dont se soucient les politiciens locaux.

De cette répugnance au référendum certains concluent rapidement avec notre petit sénateur que nous n'avons qu'à abandonner les comptoirs. Une telle conclusion ne traduit à aucun degré l'attitude des populations locales désireuses d'un compromis qui leur permette d'épanouir la double personnalité politique que deux siècles d'occupation française leur ont donnée. On se sent français, on se sent indien, on ne veut pas choisir. Comment ne pas le comprendre ? Je me rappelle un après-midi passé au Lycée. Sur la cour merveilleusement odorante j'entendais de jeune dravidiens scander avec un léger excès de rythme une tragédie de Racine. Dans la fraiche pénombre de la classe leurs yeux brillaient avec la même mobilité fuyante que des reflets de soleil à travers des feuilles. Aux murs se faisaient vis-à-vis le Mahatma Gandhi et le Président Auriol : double symbole.